Par
Simon-Pierre Savard-Tremblay

Le 5 novembre prochain, les Québécois auront à élire leurs administrations municipales. Le rapport entre les villes et l’État québécois change depuis plusieurs années. Légalement, elles sont d’abord des « créatures » du gouvernement provincial. Il y a peu de temps encore, on croyait que le niveau municipal ne se limitait qu’à la gestion du déneigement et à la réparation des nids-de-poule.

Depuis l’essor de la mondialisation, on a tendance à voir, à l’échelle planétaire, les villes comme étant les véritables centres d’attraction des capitaux internationaux. Les villes sont désormais vues comme les principaux pôles de développement. Il n’est pas surprenant que les gouvernements délaissent les régions dites pauvres, donc peu susceptibles d’attirer des investisseurs étrangers. Ces régions en difficulté auraient pourtant besoin qu’on cesse de leur couper l’oxygène.

Quant aux plus importantes municipalités, elles ne sont pas seulement appelées à affronter leurs voisines, mais à dépasser aussi les autres métropoles mondiales. Cela revient donc à un système mondial de concurrence entre les territoires urbains. C’est pourquoi plusieurs grandes villes revendiquent plus de pouvoirs au détriment de l’État québécois. Aujourd’hui, Québec et Montréal demandent des statuts spéciaux qui leur permettront de s’extraire du Québec pour devenir des « villes mondiales ». Montréal s’est appuyée sur le rapport d’un certain Comité de travail sur le statut de métropole. Philadelphie, Boston, Manchester, San Diego, Melbourne, Amsterdam, Pittsburgh et Lyon sont citées en exemple par rapport aux différents objectifs à atteindre. Montréal souhaite passer du statut de « créature des provinces » à celui d’un « gouvernement de proximité », avec de nouvelles responsabilités fiscales, législatives et administratives.

Pourtant, nos villes auraient tout intérêt à travailler de concert avec le Québec plutôt que de chercher à s’en émanciper. L’exemple de Montréal est probant. Elle est certes la métropole du Québec, mais certainement pas celle du Canada. La perte du pouvoir financier de la ville aux cent clochers ne cesse de s’accélérer depuis plusieurs années. En 1999, on avait déjà cédé à Toronto le marché des actions en échange d’une compensation, et Montréal s’était rabattue sur les produits dérivés. En 2008, Toronto a annexé la Bourse de Montréal. De même, s’il doit y avoir un jour une commission des valeurs mobilières unique, c’est bien à Toronto qu’elle se trouvera inévitablement. Même son de cloche quant à la Banque de l’infrastructure du Canada, projet fédéral fort discutable sur le fond, où retombées et contrats échapperont à Montréal au profit de Toronto. Selon le palmarès du Globalization and World Cities Research Network (GaWC), le laboratoire d’idées de l’Université de Loughborough en Angleterre, seule Toronto est gratifiée de la cote alpha. Montréal doit se contenter de la cote bêta. Toronto, elle, peut compter sur le soutien du gouvernement canadien, qui perçoit sa métropole comme son principal atout. Avoir un État de son côté est tout sauf négligeable.

Le Québec est une société d’à peine près de 8,5 millions d’habitants. Il faut repenser un modèle d’État définissant une stratégie de développement économique de grande envergure, ne cherchant pas seulement la rentabilité à court terme. Dans une telle mesure, détacher les grandes villes du Québec paraît être une bien mauvaise idée.