Main d’œuvre dans le secteur industriel

Par
Martin Bouchard

 

Attirer et retenir des travailleurs qualifiés n’est pas une mince affaire pour les entreprises du secteur industriel. Sur le territoire de Laval, où le taux de chômage est particulièrement bas, la situation est encore plus précaire. Mais il y a de l’espoir, et la Chambre de commerce et d’industrie de Laval (CCIL) est à pied d’œuvre depuis plusieurs années pour tenter de renverser la vapeur.  

Pour la présidente-directrice générale de la CCIL, Chantal Provost, un des facteurs pouvant expliquer la difficulté pour les entreprises du secteur industriel d’attirer des employés réside dans le fait que l’offre de transport collectif dans les parcs industriels est inadéquate. « On le sait, aujourd’hui, les gens veulent du transport collectif, mais quand les accès et les fréquences sont déficients, c’est une problématique. Quand il y a un autobus à l’heure, ce n’est pas optimal », lance-t-elle.

Pour pallier à cette réalité, certaines entreprises proposent un service de navette qui permet d’aller chercher et de ramener les employés au métro. « Dans cette optique, les entreprises pourraient se regrouper, mais il faut comprendre que chacune possède son propre horaire de travail. Il y a des enjeux autour de ça », remarque la présidente-directrice générale.

 

Rare main-d’œuvre qualifiée
Dans le même ordre d’idées, le secteur industriel exige de plus en plus une main-d’œuvre qualifiée qui nécessite un développement de compétences quasi permanent. « Le rythme est très rapide. Dès la sortie de l’école, les diplômés doivent parfois se perfectionner, car la technologie a changé », estime Chantal Provost. La CCIL travaille en ce sens pour offrir des formations de type dîner-conférence plutôt que des formations longues. « C’est plus facile pour les entreprises de laisser sortir les employés pour une courte période et c‘est une option très populaire », se réjouit-elle.

Les départs à la retraite font également mal à ce secteur. À ce titre, Services Québec, en collaboration avec la CCIL, joue un rôle important. « Nous avons des indications sur le fait, par exemple, que notre population immigrante augmente, et que nous avons un plus grand pourcentage de personnes âgées entre 15 et 24 ans qu’ailleurs au Québec, donc une population plus jeune… ce sont des éléments positifs », note la présidente-directrice générale. De plus, des actions sont prises pour favoriser le retour au travail des personnes âgées de 55 ans et plus, notamment grâce à des horaires flexibles ou à temps partiel.

 

Une situation complexe

Le phénomène cause toutefois bien des maux de tête aux entreprises du secteur industriel qui peinent à attirer les employés. Parlez-en à Stéphane Morand, directeur d’usine chez DBM Optix, une entreprise spécialisée dans le moulage de produits de plastique. En forte croissance depuis des années, l’entreprise vit un problème criant d’embauche de main-d’œuvre qualifiée. « C’est un réel problème, car nous avons de la difficulté à produire les nouveaux produits en démarrage. Nous sommes obligés de produire en surtemps », se désole-t-il. Comme il le fait savoir, cette situation demeure vivable pour quelques semaines, voire quelques mois. Or, selon lui, les employés risquent de s’épuiser. « De plus, si nous envisageons d’autres projets, nous n’aurons plus l’option de faire du surtemps. »

Pour sortir du lot, DBM Optix tente de se positionner avantageusement par rapport aux autres entreprises du parc industriel, notamment sur le plan des salaires. « Nous souhaitons aussi rendre l’entreprise plus attrayante grâce à un fonds de pension, ce qui est rare pour les entreprises manufacturières », admet Stéphane Morand. Par contre, il ajoute que les employés ne pensent pas nécessairement à leur retraite à 22 ans. De plus, l’intérêt manufacturier est, selon lui, en déclin auprès des jeunes employés.

 

Horaire flexible ?

Qui plus est, il demeure difficile pour les entreprises du secteur industriel d’offrir des horaires flexibles pour attirer le personnel. « Il y a souvent des horaires fixes, car quand quelqu’un quitte, il doit être remplacé sur le quart de travail », remarque le directeur d’usine. « Nous essayons tout de même d’adopter une approche libérale en ce qui concerne les absences, et nous tentons de concilier travail et famille le plus possible. »  

Pour ce faire, deux horaires sont proposés, soit un de 12 heures et un de 8 heures. « Le 12 heures permet aux employés de se déplacer moins souvent et d’avoir plus de journées de congé. Cela nous permet d’offrir le meilleur des deux mondes », juge-t-il. Cela dit, Stéphane Morand concède que, bien que l’horaire régulier soit de 40 heures par semaine, la plupart des employés travaillent environ 48 heures. « C’est une journée de plus dans la semaine. Je ne peux pas étirer l’élastique plus que cela », avertit-il.

L’entreprise, qui compte aujourd’hui 180 employés, devrait en compter au moins 250 d’ici deux ans. « Nous allons dans les foires industrielles et les foires d’emplois, de même que dans les cégeps, etc. Nous allons aussi en France pour des emplois plus spécifiques », détaille Stéphane Morand. Selon lui, le problème de main d’œuvre est généralisé. « Nous n’avons pas de nouveaux employés. On doit anticiper les coups et être en amont des besoins en faisant évoluer les gens à l’interne, mais c’est très essoufflant. Si on forme quelqu’un pour un nouveau poste, il quittera forcément son poste d’origine, ce qui crée un trou que nous ne sommes pas capables de combler », termine le directeur d’usine.